Agroscope, fenaco, Université de Liège

Variétés de pommes de terre pour frites et chips stockées sans CIPC: un défi de taille

Le chlorprophame (CIPC), principal antigerminatif utilisé pour le stockage des pommes de terre industrielles, est désormais interdit en Suisse. Agroscope a testé des substances alternatives afin de garantir la production de frites et de chips indigènes.

Le chlorprophame (CIPC) est une molécule très efficace qui a été utilisée pendant des dizaines d’années à travers le monde pour contrôler la germination des pommes de terre durant plusieurs mois de stockage. Suite à une réévaluation du dossier d’homologation de ce produit et en raison d’un profil toxicologique défavorable, le CIPC n’est plus homologué dans l’Union européenne depuis janvier 2020.

En Suisse, la vente du CIPC est interdite depuis le 15 août 2020 et la date limite d’utilisation des stocks existants était fixée au 30 septembre 2020. Cela signifie que la Suisse pouvait encore traiter les pommes de terre avec le CIPC à l’entrée au stockage en 2020, pour autant que ces traitements soient réalisés en respectant les délais légaux. Toutefois, traiter les pommes de terre au CIPC en 2020 était déconseillé, afin d’éviter les problèmes de résidus dans les tubercules et dans les cellules de stockage au vu de la forte persistance de cette molécule dans les locaux de stockage.

Six molécules alternatives étudiées

Anticipant cette situation, Agroscope, avec différents partenaires*, a réalisé une série d’essais de 2015 à 2020. Il s’agissait de trouver des alternatives au CIPC pour continuer de conserver la qualité des tubercules destinés à l’industrie (frites et chips) durant le stockage. Les chercheurs ont étudié l’efficacité antigerminative de six molécules :  L-carvone (contenue dans l’huile essentielle de menthe), limonène (contenue dans l’huile essentielle d’orange), 1,4-Diméthylnaphtalène (1,4-DMN), 3-decen-2-one, hydrazide maléique et éthylène. L’éthylène, susceptible d’augmenter le taux de sucres réducteurs** de certaines variétés qui sont indésirables dans les pommes de terre, a également été testé en combinaison avec le 1-méthylcyclopropène (1-MCP). En effet, le 1-MCP permet de limiter le risque de développement de sucres réducteurs qui peuvent engendrer des brunissements indésirables et la production d’acrylamide toxique dans les produits transformés.

Toutes les molécules testées se sont montrées efficaces pour contrôler la germination des tubercules avec des niveaux d’efficacité variables. Toutefois, pour celles qui ont été comparées au CIPC ; aucune n’équivalait son efficacité, et leur utilisation était pour la plupart, plus contraignante et /ou plus coûteuse. Trois d’entre elles sont déjà homologuées en Suisse : l’éthylène, le L-carvone et l’hydrazide maléique, avec chacune leurs contraintes. Le 1,4-DMN, qui porte les espoirs de la branche et est déjà homologué dans de nombreux pays, vient juste d’être autorisé en Suisse également.

Le défi de la recherche est multiple, car il s’agit de conserver des stocks de tubercules sans germes, de bonne qualité, sans résidus toxiques et sans augmentation des sucres réducteurs, le tout durant plusieurs mois.

*Partenaires : partenaires suisses du projet: Fenaco, Zweifel, Innosuisse – l’Agence suisse pour l’encouragement de l’innovation et Swisspatat. Partenaires belges du projet : UPL Benelux, la Région wallonne (subvention EUREKA) et l’université de Gembloux Agro-Bio Tech.

**Sucres réducteurs : un taux important de sucres réducteurs dans les pommes de terre est à éviter pour les variétés industrielles, car il peut engendrer un mauvais goût (goût sucré), le brunissement des produits transformés à la friture (frites et chips) et la production de composés toxiques comme l’acrylamide dans les produits transformés.

***Sucrage : le sucrage des pommes de terre correspond à une augmentation des sucres réducteurs dans ces dernières. Ce phénomène indésirable peut intervenir chez certaines variétés lors d’un stockage à basse température, mais aussi lors du processus de vieillissement physiologique des tubercules au cours du temps.

Conclusions

Pour être efficaces, les molécules alternatives au CIPC devront être combinées avec de nouvelles stratégies de stockage. Les chercheurs d’Agroscope travaillent à différentes solutions innovantes pour contrôler la germination:

  • Un modèle de germination a été développé afin de prédire la date de germination d’une variété donnée sur base des paramètres météo. Ce modèle pourra notamment aider à diminuer ou éviter l’application de produits.
  • L’identification de variétés industrielles non sensibles au sucrage*** lors d’un stockage à basse température (4 °C ou 6 °C) qui permettrait de retarder la germination des tubercules. Trois variétés ont déjà pu être identifiées: Lady Claire, Verdi et Kiebitz.
  • Le reconditionnement : cette technique consiste à stocker à basse température (4 °C) des variétés sensibles au sucrage, suivi d’une période de reconditionnement (élévation graduelle de la température, jusqu’à 15 °C). Le reconditionnement permet de diminuer significativement la teneur en sucres réducteurs de certaines variétés sensibles.
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