Agroscope

Quelles quantités de métaux lourds se retrouvent dans les sols agricoles?

Agroscope Science 123, 1−99, 2021

L’application d’engrais ou de produits phytosanitaires peut entraîner des excédents de métaux lourds dans les sols agricoles. C’est ce qu’ont montré les analyses sur plus de 30 ans de l’observatoire national des sols suisses (NABO).

Le NABO a pour objectif la surveillance à long terme de la santé et de la fertilité des sols. Depuis 1985, il mène à cette fin un monitoring des sols sur des sites régulièrement échantillonnés – actuellement au nombre de 112. Parmi ces sites, 78 sont exploités par l’agriculture, 28 se situent en forêt, quatre dans des sites protégés et enfin deux autres dans des parcs urbains.

Calcul des apports et exports à l’échelle des parcelles

Dans 46 de ces sites exploités par l’agriculture (grandes cultures, herbages et cultures spéciales), on relève – en plus des propriétés du sol – des données sur l’exploitation. Ces données provenant de sites répartis dans toute la Suisse ont permis de calculer les apports et exports en métaux lourds (cuivre, zinc, cadmium et uranium) et en éléments nutritifs (azote, phosphore et potassium) à l’échelle des parcelles, de 1985 à 2017. Les apports par les engrais et les produits phytosanitaires, de même que par les retombées atmosphériques – pour le cuivre, le zinc et le cadmium – ont été pris en compte. Les exports via les récoltes ont également été calculés. Pour l’uranium, seuls les apports par les engrais minéraux phosphorés ont été quantifiés.

Des niveaux élevés de cuivre et de zinc liés à la charge en bétail

En dehors des vignes, les apports en cuivre et en zinc étaient le plus souvent imputables à l’application d’engrais de ferme. Ces deux métaux lourds sont des micronutriments essentiels et parviennent, par l’intermédiaire du fourrage et des compléments fourragers via le système digestif des animaux de rente, dans le lisier et le fumier. Les apports en cuivre et en zinc dans les parcelles étaient significativement corrélés au nombre d’animaux de rente par surface agricole utile des exploitations concernées, une charge en bétail supérieure se traduisant par des apports d’engrais de ferme plus élevés.

Des apports élevés en cuivre dans la viticulture

En raison de l’application de produits phytosanitaires contenant du cuivre, les flux nets de cuivre les plus élevés (apports moins exports) ont été relevés sur des parcelles de vigne. Sur ces parcelles, la médiane des flux nets de 1985 à 2017 se situait entre 1400 et 2400 g de cuivre par hectare et par an. Sur les parcelles de grandes cultures et d’herbages présentant une charge en bétail par surface agricole utile importante, les médianes ont atteint jusqu’à 400 g de cuivre par hectare et par an.

Cadmium et uranium provenant d’engrais minéraux phosphorés

Alors que les flux nets de cuivre et de zinc en général n’ont pas diminué au fil du temps et ont même eu tendance à augmenter dans les parcelles d’herbages intensifs, les flux nets de cadmium et d’uranium ont reculé, depuis la fin des années 1980 jusqu’au milieu des années 1990, et ont peu varié depuis. Un recours moindre aux engrais minéraux phosphorés, via lesquels le cadmium et l’uranium pénètrent dans les sols, expliquent ce recul. Dans le cas du cadmium, la diminution des retombées atmosphériques a également joué un rôle. Les engrais utilisés pour amender telle parcelle ou telle culture sont donc un élément essentiel pour déterminer quels métaux lourds sont introduits et en quelle quantité.

Dans une prochaine étape, les bilans de surface seront comparés à l’évolution mesurée depuis 1985, afin d’évaluer plus précisément l’influence à long terme de l’exploitation sur les teneurs en métaux lourds dans les sols et de mieux la prévoir.

Conclusions

  • Les analyses montrent que le cuivre et le zinc sont en augmentation dans les sols des exploitations dont la charge en bétail est élevée et où l’application d’engrais de ferme est intensive.
  • La teneur en cuivre sur les parcelles de vigne est en augmentation, en raison de l’application régulière de produits phytosanitaires contenant du cuivre.
  • Les apports en cadmium et en uranium ont diminué, depuis la fin des années 1980 jusqu’au milieu des années 1990, en raison en particulier d’un moindre recours aux engrais minéraux phosphorés. Dans le cas du cadmium, la diminution des retombées atmosphériques a également joué un rôle.
  • Les résultats soulignent l’importance de séries temporelles de longue durée pour l’observation des sols et de leur exploitation. Il est ainsi possible d’identifier à un stade précoce les menaces qui pèsent sur la santé des sols, d’instaurer le cas échéant des mesures d’amélioration avec les acteurs concernés, et d’en prédire les effets.

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