Agroscope

Pourquoi de nombreux agriculteurs considèrent les services de cyberadministration comme un surcroît de travail

Journal of Rural Studies, Volume 89, January 2022, Pages 387-396

Les agriculteurs sont de plus en plus incités à communiquer avec les autorités par voie électronique. C’est par exemple obligatoire pour la gestion des paiements directs et l’enregistrement des animaux. Agroscope a interviewé des agriculteurs sur leur perception quant à la charge administrative.

Au cours des 20 dernières années, de nombreux gouvernements à travers le monde ont lancé des initiatives d’administration en ligne. L’administration en ligne, ou la cyberadministration, peut être définie comme l’utilisation des technologies de l’information numérique pour mettre en œuvre et soutenir les processus d’information, de communication et de transaction (TIC) entre les institutions gouvernementales et les citoyens.

Systèmes de cyberadministration pour le secteur agricole

De nombreux gouvernements ont également investi dans des systèmes de cyberadministration pour le secteur agricole. Les gouvernements européens ont développé des systèmes électroniques pour deux raisons principales: premièrement, afin de soutenir l’identification et la traçabilité des animaux de la naissance à l’abattage pour des raisons de santé animale et publique et, deuxièmement, afin de gérer la demande et le versement des paiements directs entre le gouvernement et les agriculteurs. En raison de ces évolutions, on s’attend à ce que les agriculteurs utilisent de plus en plus les services d’administration en ligne.

En Suisse, tous les agriculteurs doivent fournir deux fois par an aux autorités cantonales des données électroniques sur l’utilisation des surfaces et sur les animaux afin de prouver leur droit à des subventions dans le cadre de l’ordonnance sur les paiements directs. Une étude réalisée en 2019 a montré qu’environ un tiers des agriculteurs suisses ont plutôt bien maîtrisé la transition du papier vers les formulaires électroniques, tandis que 40 % d’entre eux ont déclaré que l’utilisation des services de cyberadministration avait augmenté leur charge administrative.

Étude relative aux facteurs d’influence de la cyberadministration sur la perception de la charge administrative

Dans notre étude, nous avons examiné les facteurs qui influencent la perception des agriculteurs considérant l’utilisation de tels services comme une contrainte. Nous avons également développé un concept permettant de catégoriser ces facteurs pour le secteur agricole.

Nous avons mené une étude de cas qualitative en Suisse et avons interviewé six agriculteurs à l’aide d’un échantillonnage contrastif. Autrement dit, des agriculteurs ayant des attitudes opposées vis-à-vis de la cyberadministration ont été interrogés. Les interviews ont été examinées à l’aide d’une analyse thématique. Nous avons trouvé des facteurs d’influence dans quatre domaines différents:

  • caractéristiques de l’exploitation et du chef d’exploitation (par exemple, structure de l’exploitation, attitude de l’agriculteur vis-à-vis des TIC, compétences de l’agriculteur en matière de TIC, recours à une aide extérieure, organisation du travail et infrastructure),
  • caractéristiques d’utilisation des services de cyberadministration (par exemple, quantité et fréquence de saisie des données et durée d’utilisation),
  • caractéristiques perçues de la cyberadministration (par exemple, le réseau, la documentation, la conception du logiciel, la complexité, la compatibilité opérationnelle et le travail à double) et
  • impact perçu sur l’exploitation (sécurité des données).

Nous avons constaté que l’utilisation des services de cyberadministration ne présente pas d’avantages en matière d’organisation pour les exploitations agricoles familiales. Nos résultats fournissent un cadre conceptuel permettant de comprendre pourquoi les services d’administration en ligne peuvent contribuer à réduire ou à augmenter la charge administrative perçue par les agriculteurs. En outre, l’étude fournit des informations pertinentes pour la politique sur les facteurs qui jouent un rôle dans la gestion numérique des paiements directs afin de réduire la charge administrative des agriculteurs.

Conclusions

  • Les agriculteurs suisses consacrent en moyenne 3 à 5 % de leur temps de travail total aux tâches administratives nécessaires dans le cadre du système des paiements directs.
  • L’attitude des agriculteurs vis-à-vis des technologies de l’information et de la communication, leurs compétences en matière de TIC, le recours à une aide extérieure, l’organisation du travail et l’infrastructure TIC influencent l’adoption des services de cyberadministration.
  • L’utilisation des services de cyberadministration n’apporte aucun avantage aux exploitations familiales en matière d’organisation.
  • Nos résultats montrent que la perception des services de cyberadministration par les agriculteurs ne peut pas être comprise sans prendre en compte leur attitude vis-à-vis des TIC.
  • L’attitude envers les TIC est influencée par la personnalité de l’agriculteur et ses expériences antérieures.
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