Produire du lait de montagne avec des vaches à deux fins – un modèle suranné ou une solution rentable?
Photo: Christian Gazzarin,
Agroscope
Les races bovines à vocation laitière se sont imposées également en région de montagne. Toutefois, l’élevage de la «Simmental originale», race à deux fins, s’avère intéressant sur le plan économique: des coûts plus modestes et des paiements directs plus élevés compensent en effet l’écart de revenu provenant de la vente du lait.
En Suisse, dans la région de montagne, les progrès de sélection ont permis l’élevage de races bovines à vocation de plus en plus laitière, tandis que les races à deux fins étaient reléguées au second plan. Avec cette évolution, des critères secondaires tels que la fertilité, la santé et la durée d’utilisation ont perdu de leur importance. La conformation en viande devenant accessoire, elle s’est accompagnée d’une diminution des réserves corporelles qui constituaient pourtant un avantage, notamment en région d’estivage où les conditions de fourrage sont plus frugales.
La présente étude s’est penchée sur la rentabilité de la race traditionnelle à deux fins qu’est la «Simmental originale» (SO). Pour ce faire, 19 exploitations SO sélectionnées au hasard ont fait l’objet d’une analyse sectorielle détaillée, sur la base d’interviews et de données comptables pluriannuelles (2018-2020). Les résultats ont ensuite été confrontés à ceux d’un groupe de comparaison de 56 exploitations (DC), issues du dépouillement centralisé des données comptables (Agroscope).
Des recettes annexes plus élevées, des coûts inférieurs, une charge de travail moindre
Selon l’étude, une vache «Simmental originale» a produit 5’559 kg de lait par année, soit près de 2’000 kg de moins qu’une vache à vocation plutôt laitière des exploitations DC (7’384 kg). Le manque à gagner correspondant a cependant été plus que compensé, dans les exploitations SO, par des recettes annexes plus élevées provenant de la vente des animaux et des paiements directs. Pour un nombre à peu près égal de vaches et de veaux, les exploitations SO ont en effet prélevé nettement moins de lait pour l’élevage des veaux. Le surplus de paiements directs s’est expliqué en particulier par des contributions à la biodiversité bien plus élevées. Tant les coûts directs (-22 %) que les coûts structurels (‑12 %) des exploitations SO ont été inférieurs à ceux des exploitations du groupe de comparaison. En outre, les exploitations SO ont consacré en moyenne 52 heures de travail en moins (‑19 %) par vache et par an.
La «Simmental originale» est bien adaptée à la région de montagne
Avec une marge brute similaire, les exploitations SO ont obtenu un revenu annuel provenant de l’élevage laitier supérieur de 60 % en valeur absolue. Elles ont généré un revenu à la surface supérieur de 34 % (Fr. 2’954.- contre Fr. 2’198.-) et une valorisation du travail supérieure de 76 % (Fr. 18.70 contre Fr. 10.60 de l’heure). Ces meilleurs résultats sont également liés – du moins indirectement – au type de vache, car des rendements individuels modestes, associés à de bonnes qualités de fertilité et de condition physique, permettent un élevage adapté au site, compatible avec une production fourragère extensive, une détention au pâturage et des vêlages saisonniers. Ainsi les ressources locales existantes telles que les surfaces d’estivage ou la biodiversité ont à l’évidence été valorisées de manière efficiente.
Conclusions
- Étant donné la grande différence de rendement individuel entre une vache à vocation laitière et une vache à deux fins, on constate qu’en région de montagne une vache laitière ne contribue plus aujourd’hui, en tant que telle, à une meilleure rentabilité.
- D’un point de vue économique, la race à deux fins «Simmental originale» semble être une option intéressante, dans la mesure où sa bonne adaptation au site…
- permet une gestion économe en main-d’œuvre;
- autorise davantage de surfaces extensives, synonymes de contributions à la biodiversité;
- permet de maintenir des coûts directs bas.
- La sélection devrait conserver et même renforcer les critères secondaires de rentabilité tels que la santé et la fertilité, sans négliger pour autant l’adéquation entre poids des animaux et conditions topographiques.
Référence bibliographique
Produire du lait de montagne avec des vaches à deux fins – un modèle suranné ou une solution rentable?