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Marché des engrais de ferme en Suisse: les transports en augmentation

Les exploitations agricoles suisses cèdent leurs engrais de ferme excédentaires à des exploitations ayant des capacités disponibles ou à des installations de compostage ou de méthanisation, afin d’équilibrer leur bilan d’éléments nutritifs. Les volumes d’engrais de ferme et de recyclage transportés, de même que les coûts de transport, ont nettement augmenté entre 2015 et 2022.

Les pertes d’éléments nutritifs dans l’agriculture représentent un risque pour l’environnement et la santé humaine. C’est pourquoi les exploitations agricoles suisses doivent présenter un bilan de fumure équilibré («Suisse-Bilanz») pour bénéficier des paiements directs. À partir de 2024, la marge d’erreur de 10 % en vigueur jusqu’ici sera supprimée.

Les exploitations qui produisent trop d’engrais de ferme doivent les céder à des exploitations ayant des capacités disponibles ou à des installations de compostage ou de méthanisation. La Confédération gère les transferts d’engrais de ferme depuis 2014, au moyen de la plateforme en ligne «HODUFLU». Le présent rapport analyse et décrit les structures et types d’exploitation des différents acteurs du marché des engrais de ferme, de même que les flux nets d’éléments nutritifs. Il fournit également une estimation des distances couvertes dans le cadre des échanges d’engrais de ferme et de recyclage ainsi que des coûts de transport engendrés.

Plus de 20’000 exploitations prennent part au marché des engrais de ferme

Environ 42 % des exploitations recensées dans le système d’information sur la politique agricole de la Confédération (SIPA) sont actives sur le marché des engrais de ferme, ce qui représente en nombre 21 492 exploitations. Parmi elles, 65 % importent des engrais de ferme ou de recyclage sans en exporter elles-mêmes; 24 % fonctionnent exclusivement comme cédantes et enfin 11 % exportent des engrais de ferme, tout en important des engrais de recyclage.

En 2020, le flux net d’éléments nutritifs s’est élevé à près de 13 000 tonnes d’azote total (Nstock) et à un peu plus de 6400 tonnes de pentoxyde de phosphore (P2O5). Le flux net d’éléments nutritifs ne tient compte que des éléments nutritifs épandus sur des surfaces étrangères à l’exploitation et non de ceux qui sont restitués à l’exploitation d’origine sous forme d’engrais de recyclage.

Des volumes transportés en augmentation renchérissent les engrais de ferme

Une tonne d’engrais de recyclage parcourt en moyenne 20 km. Pour une tonne de fumier ou de lisier, la distance parcourue est d’environ 9 km et n’a guère évolué au cours de la période étudiée, soit de 2015 à 2020. Les volumes transportés ont par contre augmenté au cours de la même période, passant de 3,63 millions à près de 4,98 millions de tonnes. Selon nos estimations, les coûts de transport des engrais de ferme et de recyclage à l’échelle suisse seraient ainsi passés de 19,1 millions en 2015 à 27,5 millions de francs en 2020.

Des engrais minéraux plus onéreux influencent le marché des engrais de ferme

Dans certaines régions, l’offre en engrais de ferme est excédentaire et la demande faible. De plus, le transport, l’épandage et le manque d’homogénéité des engrais de ferme génèrent des coûts souvent plus élevés que ceux des engrais minéraux. Pour obtenir des paiements directs, les exploitations qui cèdent des engrais de ferme doivent les «évacuer» vers des surfaces utiles fertilisables appartenant à des tiers et paient souvent elles-mêmes les frais de transport de ces engrais de ferme.

Les événements qui secouent actuellement la scène politique internationale contraignent à une adaptation économique, également au niveau du marché des engrais de ferme. Suite aux pénuries d’engrais minéraux engendrées par la guerre en Ukraine et à l’augmentation des coûts de transport en 2022, l’importation d’engrais minéraux s’est renchérie. Cette hausse des prix, conjuguée à une disponibilité réduite, renforce la valeur relative des éléments nutritifs issus d’engrais de ferme et de recyclage, si l’on veut garantir les rendements physiques dans la production végétale.

Conclusions

  • On estime que les coûts de transport des engrais de ferme et de recyclage à l’échelle suisse sont passés de 19,1 millions à 27,5 millions de francs entre 2015 et 2020. Cette hausse est à mettre en lien avec l’augmentation des volumes transportés qui sont passés de 3,63 millions à 4,98 millions de tonnes durant la même période.
  • En 2020, près de 13 000 tonnes d’azote total (Nstock) et un peu plus de 6400 tonnes de phosphore (P2O5) ont été transférées, générant ainsi une augmentation d’environ 4 % pour l’azote et 6 % pour le phosphore entre 2015 et 2020.
  • En raison des efforts politiques visant à réduire les excédents d’azote et de phosphore produits par l’agriculture, en raison également de la pénurie de ressources énergétiques et d’engrais minéraux, nous nous attendons à ce que les transferts d’engrais de ferme et de recyclage – et donc les coûts de transport engendrés – continuent d’augmenter à l’échelle suisse.
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