Agroscope

Plusieurs facteurs limitent le potentiel de stockage du carbone dans le sol

Les objectifs d’émissions zéro net ne peuvent être atteints qu’en éliminant le dioxyde de carbone de l’atmosphère. Agroscope a modélisé pour la Suisse l’évolution du stockage de carbone dans le sol, de la production alimentaire et des gaz à effet de serre d’origine agricole.

Plus de 90 pays – dont la Suisse – ont annoncé des objectifs d’émissions zéro net d’ici à 2050. Pour atteindre cet objectif, la plupart d’entre eux vont miser sur l’élimination du dioxyde de carbone pour compenser les émissions inévitables ou difficiles à réduire.

La séquestration du carbone dans le sol est une méthode rapide à mettre en œuvre et économiquement efficace pour atteindre cet objectif. Elle est définie comme un retrait net du dioxyde de carbone de l’atmosphère qui entraîne une augmentation du stockage de carbone organique dans le sol. Bien que de cette manière le carbone ne soit pas stocké de manière permanente, les puits de carbone naturels tels que le boisement et le reboisement ont un effet de refroidissement sur l’atmosphère. Le stockage du carbone dans le sol est influencé par son utilisation, le type de culture, la durée de la couverture du sol ainsi que par l’épandage d’engrais organiques.

Scénarios relatifs au stockage du carbone en tenant compte de la croissance démographique

Adapter le mode d’exploitation des sols pour augmenter la séquestration du carbone dans le sol peut entraîner tant des effets positifs que négatifs. Agroscope a établi un système de modélisation pour la Suisse qui combine le stockage de carbone dans le sol, la production alimentaire et les émissions agricoles de gaz à effet de serre. Le lien avec la production alimentaire est crucial, car la rotation des cultures et le cheptel de bovins influencent le stock de carbone organique dans le sol. A cet effet, la séquestration du carbone a été modélisée pour les années 2020 à 2100. Trois scénarios en résultent.

Scénario de base: Changements minimes dans l’alimentation, la production, l’importation et l’exportation de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux. Une croissance démographique estimée à 43 % d’ici à 2100 a été prise en compte dans le modèle.

1. Scénario des cultures intercalaires: il prévoit une application renforcée de la méthode bien connue de protection des sols. Si la rotation des cultures le permet, des cultures intercalaires sont plantées. En outre, il a été supposé que la biomasse des cultures intercalaires pouvait être légèrement augmentée par des mélanges plus diversifiés et plus productifs.

2. Scénario du charbon végétal: charbon végétal produit à partir de ressources locales, mais en dehors des limites du système (c’est-à-dire d’origine non agricole, comme par exemple la biomasse issue de l’entretien des paysages).

3. Scénario agroforesterie – charbon végétal: production de biomasse supplémentaire par la culture d’arbres à croissance rapide plantés à côté de parcelles cultivées et abattus pour la production de charbon végétal. Afin de libérer des surfaces à cet effet, la production d’aliments pour animaux a été réduite sur les terres agricoles, ce qui a entraîné des changements supplémentaires dans l’alimentation.

Système de modélisation pour l’évaluation du stockage du carbone dans les sols agricoles, y compris les compromis et les avantages liés aux changements dans la production alimentaire.

La séquestration du carbone pourrait diminuer rapidement dès 2050  

Des facteurs limitants tels que la disponibilité des terres et de la biomasse ou la croissance démographique peuvent influencer la séquestration du carbone, avec pour conséquence qu’elle ne pourra pas être maintenue au-delà de 2050 dans l’ensemble des scénarios étudiés.

Ces informations et les émissions de gaz à effet de serre en lien avec ces facteurs limitants sont essentielles pour planifier des stratégies zéro net et soulignent l’importance des évaluations intégrées qui font le lien entre le stockage de carbone dans le sol et le système alimentaire.

La croissance démographique l’emporte sur l’effet de stockage dans le scénario le plus favorable

En raison de l’augmentation des besoins en surfaces pour la production alimentaire due à la croissance démographique escomptée, la surface agroforestière diminuera déjà à partir de 2030. Autrement dit, même avec le scénario agroforesterie – charbon végétal, qui du point de vue du stockage du CO2 est le plus performant, les taux de séquestration ne peuvent pas être respectés en raison de l’augmentation de la population.

Conclusion

  • D’ici à 2050, la Suisse pourrait parvenir à séquestrer une quantité importante de carbone dans le sol, contribuant ainsi de manière significative à l’objectif zéro net.
  • Le modèle montre qu’après 2050, selon les mesures choisies, la séquestration diminue fortement. Autrement dit, il est nécessaire de recourir rapidement à d’autres techniques de séquestration du CO2 et de déployer encore plus d’efforts pour réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre d’origine agricole.
  • Les émissions dues à l’élevage bovin suisse sont élevées par rapport aux taux de stockage potentiels du carbone dans le sol. Un changement des habitudes alimentaires offrirait une stratégie de réduction efficace.
  • Il est essentiel de prendre en compte aussi bien les conditions actuelles (par ex. les pratiques agricoles) que les conditions futures, telles que la croissance démographique ou le changement climatique, afin de quantifier des potentiels réalistes de séquestration du carbone dans le sol.

Archives complètes