Comment les sols des herbages permanents peuvent-ils contribuer à la protection du climat?
Photo: Gabriela Brändle,
Agroscope
Les sols sous les prairies, les pâturages et les zones d’estivage en Suisse absorbent-ils davantage de carbone et contribuent-ils ainsi à la protection du climat? Selon une nouvelle étude d’Agroscope, ce n’est pas le cas actuellement. Il existe toutefois des mesures pour favoriser le stockage du carbone.
La surface agricole suisse est composée à 75 % d’herbages permanents, c’est-à-dire de prairies, de pâturages et de zones d’estivage. Ces sols contiennent naturellement beaucoup de carbone, car les graminées forment un réseau dense de racines, réseau qui est très important pour l’apport de carbone dans le sol.
Les racines mortes forment la matière organique du sol, avec les microbes, les champignons morts et leurs produits de décomposition. Les engrais de ferme contribuent également à la formation de réserves de carbone dans le sol.
Y a-t-il un stockage supplémentaire de carbone?
On ne parle toutefois de séquestration du carbone que lorsque la matière organique du sol se forme sur une longue période et que cette formation s’accompagne d’une absorption nette de dioxyde de carbone issu de l’atmosphère. Pour cela, l’apport de carbone doit être plus important que la perte de carbone. Cette dernière se produit principalement lorsque les organismes vivant dans le sol décomposent la matière organique (minéralisation).
Le bilan carbone des sols des herbages suisses est-il positif? Le stockage de carbone augmente-t-il et les sols contribuent-ils ainsi à la protection du climat? Sur la base de données existantes, une équipe d’Agroscope a étudié l’évolution des réserves de carbone dans les sols des herbages permanents au cours des 30 dernières années.
Bilan carbone neutre au cours des 30 dernières années
Les chercheuses et chercheurs concluent qu’au cours des 30 dernières années les prairies, les pâturages et les zones d’estivage situés sur des sols minéraux n’ont été ni des puits ni des sources de carbone. Les données disponibles n’indiquent donc pas qu’il y ait une augmentation du stockage de carbone dans les conditions actuelles d’exploitation des herbages permanents.
Toutefois, la base de données n’est pas suffisante pour répondre à cette question de manière définitive. De plus, il n’existe quasiment pas de données sur le sous-sol, où de grandes quantités de carbone peuvent être stockées et où ce stockage se fait aussi sur une plus longue durée que dans l’horizon supérieur du sol. Les futures études devront donc nécessairement prendre en compte le sous-sol.
Mesures possibles pour augmenter le stockage du carbone
Le stockage de carbone dans le sol pourrait-il être augmenté par des mesures d’exploitation spécifiques? Comme il n’existe pratiquement pas de données sur cette question en Suisse, les chercheuses et chercheurs examinent les mesures qui ont été appliquées avec succès à l’étranger. Parmi elles, le pâturage plus fréquent, une intensité d’exploitation moyenne ainsi qu’une fertilisation minérale.
Selon l’état actuel des connaissances, la plantation d’arbres et d’arbustes ainsi que l’utilisation de charbon végétal sont les mesures qui présentent le plus grand potentiel dans le contexte suisse pour accroître le stockage du carbone dans les sols. En revanche, l’épandage d’engrais organiques tels que le fumier et le lisier entraîne rarement une augmentation du stockage de carbone, car il ne s’agit généralement que d’un déplacement de matière organique qui n’entraîne pas une séquestration de dioxyde de carbone. La qualité du sol peut toutefois être améliorée par la fertilisation organique.
Une comparaison avec les émissions actuelles de gaz à effet de serre d’origine animale montre que les herbages permanents suisses ne peuvent pas compenser ces émissions, même en supposant des taux de séquestration optimistes. Mais comme les sols des herbages permanents stockent de grandes quantités de carbone, il est très important de préserver ces réservoirs afin d’éviter les pertes et de préserver la qualité des sols.
Conclusions
- Les herbages permanents suisses, c’est-à-dire les prairies, les pâturages et les zones d’estivage, n’ont ni stocké ni perdu davantage de carbone au cours des 30 dernières années.
- Selon l’état actuel des connaissances, les mesures les plus appropriées pour accroître le stockage de carbone en Suisse sont la plantation d’arbres et d’arbustes et l’utilisation de charbon végétal.
- Il est recommandé d’étudier comment d’autres mesures telles que l’extension du pâturage ou une intensité d’exploitation moyenne peuvent s’appliquer aux conditions suisses.
- Même avec des hypothèses très optimistes, les herbages permanents suisses ne peuvent pas stocker suffisamment de carbone supplémentaire pour compenser les émissions de gaz à effet de serre d’origine animale.
- Étant donné que les sols des herbages permanents stockent de grandes quantités de carbone, il est très important de préserver ces réservoirs afin d’éviter les pertes et de maintenir la qualité des sols.
Référence bibliographique
Dauergrünlandböden der Schweiz: Quelle oder Senke von Kohlendioxid?.