Agroscope

L’actuel Suisse-Bilanz comme indicateur environnemental: un modèle qui convient pour le phosphore, mais pas pour l’azote

Une étude d’Agroscope le montre: le Suisse-Bilanz pourrait servir d’indicateur environnemental pour une utilisation durable des éléments nutritifs, mais uniquement pour le phosphore et non pour l’azote.

Une disponibilité suffisante en éléments nutritifs est indispensable pour garantir des rendements optimaux et une bonne qualité des produits végétaux destinés à l’alimentation humaine et animale. Mais les éléments nutritifs excédentaires, en particulier l’azote et le phosphore, sont une charge pour l’environnement et constituent depuis des décennies l’une des préoccupations majeures de la politique agricole et environnementale en Suisse, comme en Europe. Dans ce contexte, il est important de trouver le bon équilibre entre un apport en éléments nutritifs suffisant pour les cultures et un faible impact environnemental, autrement dit de parvenir à une utilisation durable des éléments nutritifs.

L’objectif de cette étude était de déterminer si le Suisse-Bilanz se prête comme indicateur environnemental pour une utilisation durable des éléments nutritifs. Le Suisse-Bilanz est un bilan des besoins et apports que les exploitations suisses doivent établir pour bénéficier des paiements directs, dans le cadre des prestations écologiques requises (PER). Les résultats du Suisse-Bilanz ont été comparés à ceux d’un bilan à la surface du sol (bilan OCDE) établi pour le monitoring agro-environnemental à l’échelle nationale et des exploitations. Les données utilisées pour la comparaison proviennent du dépouillement centralisé des indicateurs agro-environnementaux (DC-IAE) qui a collecté les données de près de 300 exploitations par année, entre 2009 et 2022.

Les déductions pour les pertes d’azote faussent les résultats

L’évaluation n’a montré qu’une faible correspondance entre les bilans d’azote du Suisse-Bilanz et du bilan à la surface du sol. Alors que les soldes d’azote du bilan à la surface du sol étaient généralement positifs (entre 58 et 83 kg d’azote total par ha), ils étaient légèrement négatifs dans le Suisse-Bilanz (entre −14 et −2 kg d’azote disponible par ha). Cela s’explique par le fait que le Suisse-Bilanz permet de déduire les pertes d’azote liées à la détention en étable ou au pâturage ainsi qu’au stockage et à l’épandage d’engrais de ferme. Par contre, le bilan à la surface du sol ne prend pas en considération ces pertes qui font par conséquent partie intégrante du solde. Quant à l’azote disponible pour les plantes, il n’est pas pris en compte dans le bilan à la surface du sol, contrairement au Suisse-Bilanz. C’est pourquoi les exploitations qui utilisent beaucoup d’engrais organiques ou qui ont un cheptel important présentent des valeurs nettement plus élevées dans le bilan à la surface du sol que dans le Suisse-Bilanz.

Forte corrélation des deux bilans en ce qui concerne le phosphore

Pour le phosphore en revanche, on observe une bonne corrélation entre les valeurs du Suisse-Bilanz et celles du bilan à la surface du sol. Les bilans de phosphore à la surface du sol étaient équilibrés (entre −2 et 0 kg de phosphore par ha) alors que ceux des Suisse-Bilanz présentaient une légère tendance négative (entre −3 et −1 kg de phosphore par ha). Cette meilleure corrélation s’explique par le fait que le phosphore est moins volatil que l’azote et qu’il n’y a par conséquent pas lieu de faire des déductions pour le phosphore des engrais de ferme.

L’étude montre que le Suisse-Bilanz, dans sa forme actuelle, n’est pas adapté pour quantifier de manière fiable les pertes d’azote. Les déductions forfaitaires au niveau de l’étable, du stockage et de l’épandage ainsi que le calcul simplifié de la disponibilité de l’azote pour les plantes dans les engrais organiques empêchent une interprétation spécifique des pertes effectives d’azote. Le bilan à la surface du sol offre une meilleure base pour l’évaluation des excédents d’azote. En comptabilisant explicitement les déductions – en plus du solde actuel – dans le Suisse-Bilanz, il est également possible de générer un solde de bilan à la surface garantissant une estimation plus précise des pertes et qui conviendrait ainsi davantage comme indicateur environnemental.

Données recherchées pour le monitoring agro-environnemental

Le Suisse-Bilanz est par contre un indicateur environnemental utile pour le phosphore, car il est étroitement corrélé au bilan à la surface du sol. En prenant en compte également les analyses de sol périodiques, obligatoires dans le cadre des PER, on pourrait encore améliorer le calcul des excédents régionaux de phosphore et les risques de pertes qui en découlent. Cependant, à l’heure actuelle, ni les soldes Suisse-Bilanz des exploitations, ni les analyses de sol à l’échelle des exploitations ne sont disponibles pour le monitoring agro-environnemental d’Agroscope.

Conclusion

  • Afin de vérifier si le Suisse-Bilanz est un indicateur environnemental adéquat pour une utilisation durable des éléments nutritifs, l’étude a comparé des Suisse-Bilanz et des bilans à la surface du sol d’exploitations participant au dépouillement centralisé des indicateurs agro-environnementaux (DC-IAE).
  • En ce qui concerne l’azote, les résultats des deux bilans ne sont guère corrélés, car les déductions forfaitaires pour les pertes inévitables d’azote et la disponibilité en azote organique pour les plantes réduisent les valeurs dans le Suisse-Bilanz.
  • Le bilan à la surface du sol offre une meilleure base pour évaluer les excédents d’azote.
  • Pour le phosphore, la corrélation entre les deux bilans est bien marquée. Le Suisse-Bilanz est donc un indicateur environnemental utile dans ce cas, mais que l’on pourrait mieux exploiter en y intégrant les informations sur les sols.
Archives complètes