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Les émissions de gaz à effet de serre provenant des sols de transition utilisés par l’agriculture sont sous-estimées

Les émissions provenant des sols riches en carbone drainés sont sous-estimées dans l’inventaire des gaz à effet de serre. Une estimation plus précise de la répartition de ces sols et de leurs émissions est nécessaire. En conséquence des solutions afin d’améliorer la comptabilisation des gaz à effet de serre sont proposées.

Les sols organiques sont des sols riches en carbone qui se sont formés dans des conditions de saturation en eau, dans les hauts et bas-marais. On sait qu’ils génèrent d’importantes émissions de gaz à effet de serre lorsqu’ils sont drainés, notamment pour les besoins de l’agriculture. Les émissions provenant des sols organiques riches en carbone sont prises en compte dans l’inventaire des gaz à effet de serre de la Suisse. Celui-ci est établi et remis chaque année dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Il existe toutefois d’autres sols, appelés ici «sols de transition», qui ne sont pas suffisamment riches en carbone pour être considérés comme des sols organiques, mais qui contiennent également d’importantes quantités de carbone accumulé dans des conditions de saturation en eau. Ces sols ne sont pas pris en compte dans l’inventaire des gaz à effet de serre. Il s’agit notamment de sols organiques pauvres en carbone, de sols minéraux riches en carbone et de sols riches en carbone sur lesquels une couche minérale a été appliquée afin d’atténuer les effets négatifs d’un affaissement du sol.

Les sols de transition libèrent du carbone lorsqu’ils sont drainés

Il est probable que les sols de transition libèrent également du carbone lorsqu’ils sont drainés. Des données récentes en provenance d’autres pays montrent en effet que les émissions de gaz à effet de serre par hectare de ces sols peuvent être considérables, et parfois aussi élevées que celles des sols organiques riches en carbone. En Suisse, comme dans la plupart des autres pays, les émissions provenant de ces sols ne sont pas prises en compte dans l’inventaire des gaz à effet de serre qui sous-estime donc les émissions provenant des sols. Les émissions provenant des sols de transition sont souvent ignorées en partie par manque de connaissances, mais aussi en raison d’un système de recensement trop simplifié qui classe les sols dans les seules catégories «organiques» ou «minéraux» (autrement dit, non organiques).

Catégories de sols supplémentaires pour l’inventaire des gaz à effet de serre

Nous proposons, comme solution à moyen terme, de prendre en compte dans l’inventaire des gaz à effet de serre des catégories de sols supplémentaires, afin de mieux représenter la pluralité – en termes de teneur en carbone – des différents sols. Pour ces nouvelles catégories de sols, il convient de définir des facteurs d’émission spécifiques qui pourraient dans un premier temps être dérivés de la littérature scientifique, pour autant que des données suffisantes soient disponibles. À plus long terme, nous proposons pour la comptabilisation des émissions provenant du sol de renoncer à l’utilisation de catégories de sols et de facteurs d’émission qui leur sont associés et de les remplacer par des modèles qui prédisent les émissions de gaz à effet de serre en fonction de la teneur en carbone et du niveau d’eau. Les deux approches nécessitent de combler d’abord d’importantes lacunes en matière de connaissances.

Cartographie des sols et mesures sur le terrain nécessaires

Dans un premier temps, des recherches supplémentaires seront nécessaires pour situer plus précisément ces sols de transition. La nouvelle méthode de cartographie des sols, développée par le Centre de compétence sur les sols (ccsols.ch), permettra de quantifier et de recenser les spécificités des sols. Le Conseil fédéral a approuvé en 2023 le concept d’une cartographie nationale des sols, qui devrait débuter en 2029. Des mesures sur le terrain seront également nécessaires, afin d’évaluer le niveau des émissions des différents sols de transition et leur lien avec les principaux facteurs d’émission, dont les réserves de carbone du sol et le niveau de la nappe phréatique. Enfin, des mesures et/ou des estimations systématiques de l’épaisseur de tourbe, de la densité de carbone et du niveau de la nappe phréatique seront nécessaires.

Conclusion

  • Les sols de transition stockent de grandes quantités de carbone, mais ne sont généralement pas classifié en tant que sols organiques dans les inventaires des gaz à effet de serre. Or, lorsqu’ils sont drainés, ces sols peuvent générer des émissions importantes de gaz à effet de serre, comparables à celles des sols organiques.
  • Ces émissions ne sont actuellement pas comptabilisées dans le bilan des gaz à effet de serre de la Suisse, dont les émissions sont ainsi sous-estimées. Une classification plus différenciée des sols dans l’inventaire des gaz à effet de serre est recommandée comme solution à moyen terme.
  • À plus long terme, les émissions pourraient être modélisées sur la base de la teneur en carbone et du niveau de la nappe phréatique. Cela suppose une cartographie des sols plus poussée ainsi que des mesures sur le terrain ou des modèles permettant d’évaluer l’épaisseur de tourbe, la densité de carbone et le niveau de la nappe phréatique à l’échelle du pays.
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