La réduction des produits phytosanitaires est une stratégie plus ou moins payante en fonction des cultures
Photo: Gabriela Braendle,
Agroscope
La réduction des produits phytosanitaires entraîne-t-elle une baisse de la rentabilité et une augmentation du temps de travail? Des scientifiques d’Agroscope ont montré que le choix de renoncer aux produits phytosanitaires pouvait être attrayant.
Pour encourager le non-recours aux herbicides, aux régulateurs de croissance, aux insecticides et aux fongicides dans les cultures en conditions PER, la Confédération accorde, selon la culture, des contributions au système de production à hauteur de 250 à 1400 francs par hectare. Pour une combinaison de la culture biologique et du non-recours aux produits phytosanitaires, les subventions sont comprises entre 1200 et 2600 francs par hectare.
Mais quand est-il vraiment rentable de renoncer aux pesticides? Des scientifiques d’Agroscope ont étudié la production agricole biologique, les programmes de paiement direct «Non-recours aux herbicides» et «Non-recours aux produits phytosanitaires» (anciennement Extenso), ainsi qu’une combinaison de ces programmes dans la culture du blé d’automne, de la betterave sucrière et de la pomme de terre. La culture en conditions PER a servi de comparaison. L’analyse se composait de deux volets: d’une part, la rentabilité des méthodes culturales et, d’autre part, le temps de travail requis pour les travaux sur le terrain et la gestion de l’exploitation.
Dans de nombreux cas, les paiements directs préservent la rentabilité
Pour évaluer la rentabilité, les scientifiquesont pris en compte le rendement, le prix à la production et les paiements directs pour les différentes mesures, ainsi que les coûts spécifiques, à savoir les coûts des semences, des produits phytosanitaires, des engrais et de la main-d’œuvre. En ce qui concerne le blé d’automne, malgré des pertes de rendement, l’étude a montré une rentabilité claire du non-recours aux herbicides, aux régulateurs de croissance, aux insecticides et aux fongicides (fig. 1).
S’agissant de la culture de la pomme de terre, le non-recours aux herbicides a permis d’augmenter la rentabilité des rendements prévus par rapport à la culture en conditions PER, tandis que le non-recours aux insecticides n’a apporté aucun avantage économique (fig. 2).
La betterave sucrière a quant à elle présenté des résultats complètement différents: le non-recours aux insecticides et aux fongicides dans la culture des betteraves sucrières était plus rentable que la culture en conditions PER, tandis que la réduction des herbicides s’est avérée économiquement difficile (fig. 3).
Selon les calculs de cette étude, la culture biologique a présenté une meilleure rentabilité pour les trois types de cultures par rapport à la culture en conditions PER avec l’utilisation de produits phytosanitaires (fig. 1-3).
Le temps de travail diminue légèrement lorsque les pesticides sont supprimés, sauf en cas de désherbage manuel
Le temps de travail requis pour chaque méthode culturale dans les trois cultures de l’étude a été calculé à l’aide d’un modèle de temps de travail requis pour le travail sur le terrain et d’un modèle pour les travaux de gestion de l’exploitation. Les hypothèses retenues dans les modèles de calcul ont été choisies, entre autres, par des experts/es de la protection des végétaux, de manière à refléter une situation typique dans une exploitation suisse.
Les calculs ont montré un faible impact de la réduction ou du non-recours aux herbicides sur l’ensemble du temps de travail requis (travail sur le terrain et gestion de l’exploitation), sauf lorsqu’un désherbage manuel des adventices vivaces problématiques était jugé nécessaire, par exemple pour le blé d’automne et la betterave sucrière biologique. Le fait de renoncer à d’autres produits phytosanitaires (insecticides, régulateurs de croissance et/ou fongicides) a réduit le temps de travail requis pour toutes les cultures par rapport à la culture en conditions PER et la culture à faible application d’herbicides.
Dans les trois cultures de l’étude, la culture biologique a nécessité le temps de travail le plus élevé pour les travaux sur le terrain, mais le temps de travail le moins élevé pour les travaux de gestion de l’exploitation. Cela s’explique par le fait qu’un temps moins important est nécessaire pour les tâches liées à la protection des végétaux, par exemple la planification des travaux phytosanitaires, l’achat de produits phytosanitaires chimiques de synthèse et d’engrais minéraux, les contrôles de stockage des produits phytosanitaires, les contrôles sur le terrain et les enregistrements des applications de produits phytosanitaires, ainsi que le conseil en matière de protection des végétaux.
Peut-on augmenter la rentabilité sans augmenter le temps de travail?
Quelles sont les recommandations si l’on ne veut pas augmenter le temps de travail en renonçant aux produits phytosanitaires, tout en maintenant ou en augmentant la rentabilité? Des synergies existent pour une culture du blé d’automne et de la betterave sucrière sans régulateurs de croissance, sans insecticides et sans fongicides. En ce qui concerne la culture de la pomme de terre, elles sont disponibles pour le non-recours aux herbicides et pour la culture biologique. La flexibilité du système actuel des paiements directs permet une exploitation optimale de ces synergies.
Conclusions
- Quatre systèmes de production avec une faible utilisation de produits phytosanitaires ont été comparés à la culture en conditions PER en termes de temps de travail et de rentabilité: réduction des herbicides, réduction des régulateurs de croissance, des fongicides et des insecticides, réduction de tous les produits phytosanitaires cités et culture biologique.
- Dans les conditions actuelles, y compris les paiements directs, la mise en œuvre d’au moins un programme de paiements directs permet d’augmenter la rentabilité de chaque culture par rapport aux PER.
- Le temps de travail requis n’augmente pas avec toutes les mesures de réduction des produits phytosanitaires mentionnées ci-dessus, sauf lorsqu’un désherbage manuel est nécessaire.
- Dans le cas de la culture de la betterave sucrière et du blé d’automne, une réduction des insecticides, des fongicides et des régulateurs de croissance devrait non seulement augmenter la rentabilité, mais aussi faire gagner du temps de travail. S’agissant de la pomme de terre, un effet similaire peut être obtenu grâce à la réduction des herbicides et à la production biologique.
Référence bibliographique
How does pesticide reduction affect labour time and profitability? A crop production case study.